🎶 La Varinette, le « Roi des instruments » de l’abbé Varin
Un mirliton français entre violon, violoncelle et fantaisie populaire (1919-1930)
Dans les années 1920, alors que la France se relève de la Grande Guerre et que l’esprit d’invention bat son plein, un petit instrument connaît un succès aussi bref que retentissant : la Varinette. Présentée comme « le Roi des instruments », elle promettait à chacun de devenir un musicien, du ténor au baryton, de la basse au soprano — simplement en fredonnant !
Son inventeur, l’abbé Jules Ernest Varin (1875-1956), originaire de la Manche et curé de Saint-Laurent (Paris 10ᵉ), avait conçu ce singulier appareil en 1919. L’instrument fut aussitôt récompensé : médaille d’argent au concours Lépine, puis distinction à une exposition nationale.
Un instrument aussi simple qu’étonnant
La Varinette se présente comme un petit tube muni d’une membrane vibrante : un mirliton perfectionné, proche du kazoo, qui transforme la voix en timbres instrumentaux surprenants. Selon la notice publicitaire,
« par un simple fredonnement, on peut tirer de la Varinette des sons aussi mélodieux que ceux du violon, du violoncelle ou de la contrebasse, selon le registre de la voix. »
(L’Illustration économique et financière, 22 novembre 1924)
L’abbé Varin, homme de foi mais aussi de scène, organisait de véritables démonstrations publiques. Un article de L’Action Française du 29 juin 1919 rapporte ainsi :
« La Varinette vient de faire ses débuts dans les salons de l’Œuvre Saint-Luc, boulevard Saint-Germain, devant une assistance d’élite…
Ce petit instrument mérite bien son aimable conception. Dans un orchestre, la Varinette donne l’illusion du violon, du violoncelle ou de la contrebasse… »
Un succès populaire et pédagogique
La Varinette n’était pas un gadget isolé. L’abbé Varin voyait dans son invention un moyen d’expression universel et accessible à tous, y compris aux blessés de guerre, aux mutilés ou aux enfants :
« Un mutilé, même privé de ses deux bras, peut en tirer des effets musicaux surprenants. »
(L’Action Française, 1919)
L’instrument s’imposa rapidement dans les écoles, chorales et œuvres de jeunesse : plus de trois mille établissements en France l’auraient adopté, et sa diffusion atteignit plus de cent pays en moins de trois ans, selon la presse de l’époque.
Elle fut même introduite dans plusieurs églises et chapelles, où elle servait à accompagner les chants religieux, cantiques et faux-bourdons, preuve que la frontière entre instrument ludique et usage liturgique pouvait alors être franchie avec audace.
Entre jazz, sirènes et cocoricos
La Varinette sut aussi s’adapter à l’air du temps : dans un article amusé de La Liberté (26 juin 1919), le journaliste Jean Aubray s’exclame :
« La Varinette, primée au concours Lépine, est un petit instrument à la portée de tout le monde, et dont on peut tirer un jazz-band complet ! »
La notice vantait la capacité de l’instrument à imiter aussi bien les violons que les bruits du quotidien : cor de chasse, tambour, clairon, sirène, aboiement du chien, bêlement de la brebis ou miaulement du chat… Un véritable orchestre miniature de campagne et de ville !
L’abbé Varin, prêtre-inventeur et pédagogue
Moins connu aujourd’hui, l’abbé Jules Ernest Varin fut pourtant une figure attachante du clergé parisien. Né en 1875 dans la Manche, il exerça son ministère à Saint-Laurent, où il associait musique et pastorale.
Son invention visait autant à réjouir les âmes qu’à rééduquer les corps — elle s’inscrivait dans la veine humaniste et optimiste de l’après-guerre.
Si la Varinette finit par tomber dans l’oubli, éclipsée par les nouveautés du monde moderne, elle reste le témoin d’une époque où l’on croyait encore qu’un peu d’ingéniosité et de souffle pouvaient suffire à créer la beauté.
📯 En résumé
| Date | Événement |
|---|
| 1919 | Invention de la Varinette, médaille d’argent au concours Lépine |
| 1920– ca 1952 | Diffusion en France et à l’étranger ; usage scolaire, religieux et populaire |
| Abbé Jules Ernest Varin (1875-1956) | Prêtre à Paris 10ᵉ, inventeur, pédagogue et musicien autodidacte |
| Nature de l’instrument | Mirliton perfectionné : instrument à membrane vibrant par la voix |
| Usage | Imite violon, violoncelle, contrebasse, cor, tambour, etc. ; accompagne chants ou amusements |
🎵 « Il suffit de fredonner »
La Varinette n’était ni violon ni violoncelle, mais elle en rêvait. Par sa simplicité, son humour et sa vocation inclusive, elle mérite aujourd’hui d’être redécouverte comme une curiosité sonore d’un temps où la musique voulait unir, instruire et réjouir.
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