mercredi 20 août 2025

Rêverie - Émile Toscano

 



En songeant à Mendelssohn et à Beethoven

RÊVERIE 

La nuit étend son grand manteau sur la nature, et l’oreille est caressée par une mélodie mystique. Rien ne me charme autant que la musique. Elle gagne mystérieusement mon cœur. Elle est l’expression de jolis yeux pensifs, de jeunesse qui souffre et meurt, de suaves idylles, d’orgues aux voix qui charment et torturent. Elle est le rayon de poésie qui émane de la mer, de la mer azurée, infinie que je trouve dans les belles barcarolles de Mendelssohn. Je voudrais me trouver sur la mer, m’égarer devant la belle cité d’Alger, dans un frêle esquif, accompagné d’une musique caressante, voluptueuse et voguer ayant près de moi l’ange de mon rêve et contempler ses grands yeux azurés comme le ciel... La mélodie me charme, me transforme, me raconte les secrets des nuits étoilées, des nuits éclairées de la pâle lune où Beethoven, le musicien immortel, créait en gémissant la phrase la plus belle de l’âme. La musique berce mon âme, murmurant des phrases pleines de passion, des poèmes d’amour qui grisent mon cœur. Mais quelle est la gentille fée qui emprisonne dans ces nombreux instruments tout cet ensemble de notes célestes. Une enfant? Un ange?... Minuit vient de sonner. D’où vient cette musique qui calme les cris du cœur, qui fait surgir une paix solennelle et fait murmurer une prière, une invocation à Dieu... Ce sont des plaintes torturantes, ce sont des cris de passion, des accords qui surprennent, de gracieux arpèges, des basses tristes, de jolis trilles. Cette musique divine nous narre les histoires d’idéalisme, de gloires inconnues, d’âmes perdues. La musique a cessé. La dernière note s’est perdue dans l’infini. Chante, ô voix mystérieuse. Ta musique triste nous grise. Égrène un ensemble de notes qui exprime de jolis poèmes. Viens musique divine m’endormir du sommeil éternel et si je dois encore me réveiller, viens m’effleurer tendrement comme un baiser de ma mère.

Texte : Émile TOSCANO

Source BnF Gallica : L'Évolution Algérienne et Tunisienne 2 avril 1910

 

 


 

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