QUAND NOUS SERONS TRÈS VIEUX
Quand nous serons très vieux, et que nos destinées
Auront doublé l’écueil des rêves dangereux,
Nous ouvrirons sans peur les portes condamnées
Sur la chère prison des souvenirs heureux.
Aux doux sons des hautbois, en effeuillant des roses.
Tels des enfants divins venus pour nous charmer,
Joyeux, ils chanteront en des apothéoses,
Le vieux thème ayant pour refrain le Verbe aimer.
Alors nous reverrons nos douleurs, nos détresses.
Au rythme des sanglots de nos cœurs déchirés.
L’appel délicieux d’indicibles tendresses,
Les silences troublants, les aveux ignorés.
Nous sentirons vibrer, comme jadis, les ailes
Du songe audacieux qui nous donna l'essor.
Tandis que nos regards et nos lèvres fidèles
Garderont leur secret dans le passé qui dort.
Et nous tressaillirons aux strophes toujours neuves
De l'amour, enchanteur merveilleux et cruel ;
Un clair réveil viendra rire en nos âmes, veuves
D’un bonheur évadé du seuil de l’irréel.
Puis, unissant nos mains tremblantes, sans blasphème.
Comme pour un serment grave et mystérieux.
Nous saurons mieux porter la blessure suprême
Quand sonnera le glas de nos derniers adieux.
Pierre DAVRIL
Source BnF Gallica : l'Émulation française 1er mai 1929
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire