samedi 31 mai 2025

Sur les pipeaux

 

Carte postale 1902 - Illustrateur André Dupuis

René d'Avril (1875-1966)

 

Oh Chloé, si tu suis tel chemin, ce n’est pas
Pour cueillir le myrte ou la mûre,
Mais afin d’y trouver l’empreinte de mes pas
Descendant la vallée avec l’eau qui murmure.

Oh Chloé, si tu sais le sens secret des chants
Ce n’est point grâce à quelque Muse,
Car c’est moi, tout l’été, qui fut ton maître aux champs.
Moi le pâtre hâlé que ta recherche amuse.

O Chloé, si tu prends mes pipeaux oubliés,
C’est bien moins pour guider les chèvres,
Avec un double son de leurs rameaux liés
Que pour goûter sur eux la saveur de mes lèvres.

 

 



lundi 26 mai 2025

Stradivarius

 

Carte postale 1902 - Illustrateur André Dupuis

René d'Avril (1875-1966)


Sous l’archet enivré par sa course lascive
Les lys mélodieux et lents de Beethoven,
Comme alourdis de gloire et dorés de pollen,
Inclineront  vers nous leur royauté pensive.
Nous leur demanderons, à ces touchantes fleurs,
Si l’eau diamantée et qui courbe la rose
A point hâté sa mort ou sa métamorphose
Et si notre rosée, à nous, ce sont les pleurs...

 

  


samedi 24 mai 2025

L'âme des violons

 


 

A Mademoiselle B. Souvenir de concert.

L’âme des violons
Caracole et s’enlève
Sur les fiers étalons
Les plus fougueux du Rêve.

Par bois, prés et vallons,
Comme une farandole,
L’âme des violons
Conduit sa parabole.

En joyeux carillons
Les notes cadencées
Comme des papillons
Se poursuivent pressées.

Comme les alcyons
Au vol large, sans halte,
L’âme des violons
Vibre, chante et s’exalte.

En de fols tourbillons,
Comme la mer sauvage,
L’âme des violons
Clame, sanglote et rage.

Lasse des passions
Elle suspend sa course,
L’âme des violons
Pleure comme une source.

Les imprécations
s’achèvent en caresse,
L’âme des violons
Se pâme de tendresse.

Comme un vol de frelons,
La chute d’un pétale,
L’âme des violons
En un soupir s’exhale !

Louise Delétang (1914) 

Source : L'Emulation Française 1er septembre 1919 



vendredi 23 mai 2025

La joueuse de mandore

 

Carte postale 1902 - Illustrateur André Dupuis

René d'Avril (1875-1966)


Mandore endolorie entre ses bras rêveurs,
Front bas, enseuveli, pâle, en sa chevelure
Elle semble un automne aux étranges saveurs
Et sa musique est frêle  et s’enfuit en fêlures…

L’écorce des bouleaux à courbe tavelure
L’entoure ainsi qu’un trait du burin des graveurs…
O, reposer à l’ombre de sa chevelure
Mandore endolorie, entre tes bras rêveurs !...



mercredi 21 mai 2025

Le pipeau

 

Carte postale ancienne - Illustrateur, Corina

Le Pipeau

Pour te chanter, splendeur des terres maternelles,
Je n’ai qu’un roseau blond, dont j’ai fait un pipeau ;
Je l’ai pris pour lancer mon appel au troupeau,
Et pour sonner des ritournelles.

Agreste, il teintera dans l’air frais du matin,
Ou dans le soir limpide auréolé de flammes :
Il nous dira la paix lumineuse des âmes
Que jamais un remords n’atteint.

Pour disciples, j’aurai les oiseaux, les cigales,
Qui me feront cortège et me feront chorus,
Et nos voix monteront ensemble de l’humus,
Frémissant d’ardeurs sans égales.

Les échos du lointain, bruyants et querelleurs
N’entendrons pas le son de ma flûte rustique ;
Mais la brise des bois, généreux et mystique,
En emplira toutes les fleurs.

Brises de nos étés, demandez à la Terre.
Qu’un peu de ses ferveurs bouillonne dans mon sang
Et fasse palpiter d’un amour incessant
Mon coeur de berger solitaire ! 

Albert Letombe (1912)

 

 



lundi 19 mai 2025

Berceuse pour l'archi-luth

 

Carte postale 1902 - Illustrateur André Dupuis 

René d'Avril (1875-1966)

 

Dormez, enfantelet, au loin sonnent les cloches ;
Les hommes d’armes sont massés sur les remparts ;
L’incendie allumé se resserre et s’approche.
L’effroi, dans la cité, grandit de toutes parts.

Dormez, enfantelet en qui mon coeur espère,
Vous vengerez un jour le deuil de la cité,
Fer en main, jeune et fort, par ma voix excité,
Ô cher enfantelet qui n’avez plus de père.

 


 

vendredi 16 mai 2025

Choral pour le clavecin bien tempéré

 

Carte postale 1902 - Illustrateur André Dupuis

René d'Avril (1875-1966)


Gloire au maître du son,
Ençant qui se prodigue,
Nul désir d’infini
Immolé sur la fugue :
Espérons-nous un jour
Bac guidera nos pas,
Avec le contrepoint
Calme, il sait nous calmer -
Héros des temps passés

Bac, triomphant génie
Autel qui ne renie
Cadancé noblement,
Hosti au coeur aimant.
Gagner la paix céleste ?
Entourant notre geste
Noté parmi l’azur,
Il rend l’esprit si pur -
Et Dieu pour le futur




mercredi 14 mai 2025

Viole de Gambe

Carte postale 1902 - Illustrateur André Dupuis
 

René d'Avril (1875-1966)

 

Si la viole de gambe aux plis lourds de vos robes,
A chanté l’andante plaintif des rêves morts,
Au coeur nous restera comme un lointain remords
Le refrain des chansons lentes qui se dérobe.

Si dans la cathédrale immense un couple dort
Tout de marbre vêtu – le pourpoint près de l’aube -
L’orgue, sous le vitrail que perce un rayon d’or,
Vous accompagnera, du crépuscule à l’aube.

 


 

lundi 12 mai 2025

Rose de Mai

 

Rose de Mai

J'ai vu,  de mai, s'ouvrir la rose.
Le jardin est tout embaumé ;
J'ai vu, dans un massif, enclose,
La première rose de mai !

Combien est pure son haleine ;
Et sa corolle de satin,
Sous le soleil clair et mutin,
Parait être de porcelaine.

Le Zéphir qui vient de la plaine
Semble encore adoucir son teint !
Mon âme seule ce matin
De son charme enivrant est pleine.

O bonheur inaccoutumé,
Joie éphémère, douce chose :
Dans un buisson tout parfumé,
J'ai vu, de mai, s'ouvrir la rose ! 

René Lançon (1912)

 


 

vendredi 9 mai 2025

La viole d'amour

 

Carte postale 1902 - Illustrateur André Dupuis 

René d'Avril (1875-1966)

 

Dame douce aux doux yeux, vous jouiez de la viole
D’amour
Le soir décolorait la fleur qui s’étiole.

C’était comme un poison subtil dans une fiole
gravée au tour ?
L’archet léger improvisait des babioles.

L’instrument reposait, calme sur le velours
Du gorgerin : plus fugitifs coulaient nos jours…
Dame douce aux yeux pers, vous jouiez de la viole
D’amour.

 


 

 

mercredi 7 mai 2025

La joueuse d’harmonium

 

Germaine

🎵 La joueuse d’harmonium 🎵
 (chanson humoristique)

Couplet 1
À Sainte-Berthe-aux-P’tits-Pieds,
Y’a l’harmonium du curé,
Un meuble saint, tout essoufflé,
Mais vaillant, faut l’avouer !
Quand s’avance, dans la lumière,
Une dame un peu sévère,
Les fidèles tremblent déjà :
C’est Germaine qu’on entendra !

Refrain
🎶 Elle pédale, elle pédale,
À faire pâlir les chorales,
Et d’ses doigts dodus mais précis,
Elle fait danser les cantiques pieux !
Elle transpire, elle soupire,
Et l’vieux soufflet en chavire,
Quand elle tire sur les jeux,
C’est tout l’orgue qui dit : « Mon Dieu ! » 🎶

Couplet 2
Sa voix tonne à pleine gorge,
Quand l’assemblée chante en mi-bémol,
Elle, elle module, elle forge
Des accords dignes d’un bémol !
Mozart, Bach ou César Franck,
Elle les cite sans que ça flanche,
Improvisant dans la ferveur,
Avec la grâce d’un tracteur !

Refrain
🎶 Elle pédale, elle pédale,
Avec l’allure triomphale,
Elle transpire, elle soupire,
Mais l’harmonium veut fuir l’martyr :
Germaine en quête de grandeur
A mis les tirants dans l’vapeur ! 🎶

Pont (parlé façon récitant solennel)
« Ce jour-là, elle fit un crescendo…
qui souleva trois bancs, une nappe,
et la dentier de la sacristine. »

Dernier refrain (plus lent, style grand final)
🎶 Elle pédale, elle pédale,
Une virtuose sans égale,
Et dans le chœur, même le saint
Bénit son zèle tapageur.
Car sous l’volume et la bravoure,
Y’a de la foi et d’la tendresse,
Mais l’pauvre orgue, c’est bien trop lourd…
Il rêve d’un p’tit peu de finesse ! 🎶

©dboissy

 


 

lundi 5 mai 2025

La harpiste

 

Carte postale 1902 - Illustrateur André Dupuis

René d'Avril (1875-1966)

 

Musicienne frêle aux gestes de jadis,

Sous vos doigts cerclés d’or nous semblait-il entendre


Le galop fantastique et fier des Amadis

Et les vierges du Nord au parler doux et tendre…


...Fresque pâle d’église, anges du Paradis,

Moines vêtus de bure et fronts couverts de cendre…

Un manant fou d’amour s’est-il point laissé prendre

Harpiste frêle, un soir, pour vos yeux de jadis ?

 

 

 


samedi 3 mai 2025

La première flûte

 

Poème recueilli dans l'Almanach Nodot 1912

Henri Barbusse (1873-1935)

 

la première flûte

Immobile comme on le doit
Près du troupeau, près de la hute,
L’enfant, tout le long de sa flûte,
cherchait son âme avec ses doigts.

Il contemplait l’eau qui module,
L’arbre effrayé, le blanc sommet,
Tout ce mystère qu’il nommait
Parmi le silence crédule.

Et le ciel bleu penché partout,
Et le sourire sans limite,
Il disait, inspiré : J’imite
Le bonheur de regarder tout.

Voici régner le soleil vague,
Voile terrible des grands champs.
Je voudrais que mon sombre chant
Fût beau comme un regard qui vague.

Et l’immense rythme berceur,
Et la splendeur de toute chose
Baignaient sa bouche à peine éclose
D’une inconsolable douceur.

 


 

jeudi 1 mai 2025

Le joli mois de mai

 


Le Mois de Mai est Revenu

(Couplet 1)
Le joli mois de mai est revenu,
Vêtu de vert tendre, il est apparu.
Il sème à pleines mains, dans les prairies,
Des marguerites, des boutons d’or jolis.

(Couplet 2)
Il jette aux haies touffues les aubépines,
Dans les jardins, les pivoines s’illuminent.
Sous son passage, tout éclate de beauté,
La terre entière veut chanter, veut danser.

(Refrain)
Ô joli mois de mai,
Ton sourire est léger,
Que l'on est heureux d'aimer,
Quand tu viens nous enchanter !
Ô joli mois de mai,
Bienvenue pour l’éternité !

(Couplet 3)
Il accroche aux arbres les nids frémissants,
Fauvettes et pinsons répondent en chantant.
À son appel, la plaine vibre d’émoi,
Le vent très doux caresse les champs de blé.

(Refrain)
Ô joli mois de mai,
Ton sourire est léger,
Que l'on est heureux d'aimer,
Quand tu viens nous enchanter !
Ô joli mois de mai,
Bienvenue pour l’éternité !